HISTORIQUE DU SITE QUI PRESENTAIT LES ARTICLES ECRITS PAR GENEVIEVE ET MICHEL HAAG
Pour répondre à des demandes répétées, je mets sur ce site à disposition des intéressés des articles inédits, et certains de mes articles déjà publiés mais devenus difficilement accessibles car non réunis en livres.
Une deuxième motivation pour créer ce site : être l’occasion de mettre à jour et compléter mes publications antérieures, et Michel Haag les siennes. Or cette possibilité de nous relire préalablement à l’introduction sur Internet ne nous a été offerte par aucun des autres sites (à l’exception de celui de la CIPPA – Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant d’autisme : http://www.cippautisme.org diffusant actuellement de nos publications, alors que certaines, anciennes, ne contiennent pas de récents développements.
Nous avons l’intention d’adjoindre périodiquement d’autres textes à ceux présents à l’ouverture de ce site.
J’ai plaisir à remercier, notamment : pour avoir relu avec moi certains de ces textes, Prunelle Aziosmanoff ; pour leur traduction, Maria Rhode et Michèle Mancheron ; pour leur saisie et ses remarques, Gisèle Jubin ; pour l’architecture informatique de ce site, Annie Lecat ; pour ses conseils de gestion d’un site, Laurent Tamalet ; pour ses conseils juridiques, Me Veronique Gramond ; à tous égards, y compris pour sa conviction, initiale et constante pendant toute son année de préparation, que ce site pourrait être utile, Michel Haag ; les enfants qui ont tenu à m’exprimer, en langage préverbal (ma reconnaissance à Esther Bick à ce sujet) ou verbal le principal de ce que j’ai écrit, et leurs parents avec qui nous avons partagé observations et compréhension, et qui m’ont fait confiance.
CES ARTICLES TRAITENT PRINCIPALEMENT DES APPORTS DE LA CLINIQUE PSYCHANALYTIQUE DE L’AUTISME :
– à l’approfondissement de la compréhension des états autistiques, nous permettant un meilleur ajustement dans les traitements psychanalytiques, dans l’accompagnement, indispensable, de ces traitements avec les parents ainsi que dans les dialogues entre les psychothérapeutes et les autres intervenants
– à l’approfondissement de la compréhension, en même temps, des étapes les plus précoces du développement de tout enfant grâce aux va-et-vient incessants entre le travail clinique et l’observation du nourrisson en milieu naturel suivant la méthode mise au point par Esther Bick.
CONVERGENCES – Beaucoup des repérages ainsi réalisés, dont certains avaient été inaugurés par les psychanalystes anglais pionniers qui nous ont enseignés, Donald Meltzer, Frances Tustin, Esther Bick, ont pour moi précédé, puis rencontré des travaux du courant cognitiviste ainsi que des recherches neurophysiologiques qui ne se trouvent pas, loin de là, en contradiction avec nos repérages, les confirmant plutôt – la complexité des phénomènes cliniques étant encore loin de pouvoir être rejointe par ces études. Les sciences cognitives, essentiellement expérimentales, apportent beaucoup de détails sur les grandes fonctions psychiques, dont nous pouvons bien entendu profiter car elles peuvent préciser, enrichir, et parfois interroger notre perception des phénomènes cliniques. De même, l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle vient préciser certains substrats neurophysiologiques, repère certaines anomalies fonctionnelles ou morphologiques dans l’autisme, mais elle ouvre beaucoup de questions sans pouvoir résoudre celle des causes. En effet, dans l’état actuel encore très partiel de ces explorations, avançant cependant à grands pas, la conclusion des articles qui veulent rester rigoureux scientifiquement se limite au constat des anomalies repérées et posent la grande question : « Cause ou conséquence ? » Le déplacement actuel des recherches neurophysiologiques vers l’étude des connectivités fait cependant prévoir un rapprochement entre les substrats neurophysiologiques et la complexité des phénomènes psychiques que nous essayons d’appréhender par la clinique. Je pense que certains de nos repérages et des hypothèses psychodynamiques que nous sommes amenés à faire pourraient sans doute valablement orienter ou susciter certaines recherches. Cela suppose que nous puissions progresser dans la réduction du clivage, s’agissant particulièrement de l’autisme, entre psychanalyse et sciences expérimentales, ce à quoi nous oeuvrons en nous informant et participant à des colloques comme le RIAS, ComSym février 2011)
NATURE DU TRAVAIL PSYCHOTHÉRAPIQUE – La spécificité des psychanalystes est de capter des séquences de comportements qui sont l’expression de communications émotionnelles et de pensées primitives préverbales, dans un cadre temporel et spatial défini, avec une mise à disposition d’un matériel de jeu adapté aux capacités d’expression de l’enfant, la règle d’association libre restant tout à fait valable même pour les enfants sans langage et en activité stéréotypée. C’est dans ce cadre que ces enfants nous ont amenés à décrypter un langage préverbal avec lequel ils cherchent à nous communiquer la nature de leur mal-être corporel : sensations très pénibles de chute, de liquéfaction, états vertigineux dont nous comprenons actuellement qu’ils provoquent des rigidifications et les kinesthésies rythmiques des stéréotypies. Ce mal-être correspond à une non construction d’un premier niveau de représentation des fondements de l’image du corps, représentation d’entourance qui permet de « se sentir dans sa peau », protégé des pénibles vécus corporels ci-dessus évoqués grâce à la constitution d’un noyau d’attache centrale dans la zone orale, puis grâce aux grands axes corporels bien entrecroisés, et aux attaches stables des membres, notamment des extrémités. Ce niveau primaire de représentation du corps s’avère être aussi capacité de se représenter les formes géométriques fondamentales, le cercle en premier, ainsi que des formes rythmiques simples. En effet, les enfants nous ont explicité, dans une relation qui cherchait tout de même à s’établir malgré les graves difficultés de communication, comment se construisaient ces représentations, dans leurs relations avec des personnes investies, par le rassemblement des sensorialités, notamment lors de la communication dans le regard dont nous savons précisément la difficulté chez l’enfant autiste. Ils nous ont communiqué la nature de leurs peurs du regard ce qui nous permet, en les interprétant, de les aider à les atténuer progressivement, souvent jusqu’à les en délivrer.
NATURE DES DÉCOUVERTES – Il est injustifié de nous accuser de plaquer une « théorisation désuète » ou de « nous laisser aller à notre imagination » car ce que nous avons précisé grâce aux démonstrations des enfants, concernant en particulier cette genèse du « Moi corporel », seulement suspectée par Freud comme étant le « premier moi », était complètement étranger à nos conceptions antérieures à leurs démonstrations. L’esprit vivant d’une psychanalyse contemporaine est en effet dans l’ouverture vers la compréhension des bases les plus profondes de la psyché qui sont perturbées dans les troubles du développement précoces et graves – quelles qu’en soient les causes recherchées actuellement surtout du côté de la génétique. Celle-ci nous invite d’ailleurs à ne pas négliger le pouvoir de l’environnement dans l’expression finale des gènes (épigénèse) avec l’espoir que donne, à des degrés variés selon les altérations du génome découvertes dans les autismes dits syndromiques, la notion de plasticité cérébrale.
PARTAGE DES DÉCOUVERTES – Quoi qu’il en soit, ce que nous constatons en tant que thérapeutes psychanalytiques, c’est que les enfants même les plus déficitaires sont sensibles à la communication, explicitée verbalement, de la compréhension qu’ils nous ont aidés à acquérir. Cela semble faire partie du processus même de la construction de leur « Moi corporel ». Cette construction suppose évidemment les bases de la communication, que nous partageons avec les meilleures propositions éducatives et thérapeutiques non psychanalytiques : une qualité d’attention imprégnée d’empathie et dispensée sur une durée suffisante. Pourquoi ne pas partager les approfondissements de cette compréhension avec les familles, les éducateurs et les soignants ? Cela aide beaucoup à maintenir et l’attention, et l’empathie… Il peut en découler des interprétations émotionnelles environnementales, et une attention conjointe enrichie du sens que nous avons appris à décrypter de certains comportements. Ces interprétations ne peuvent qu’aider l’enfant dans tous les cadres de vie où il circule. C’est une conviction pour moi depuis des décennies qu’il est très utile de communiquer aux familles et aux équipes les compréhensions qui se révèlent, et qui continuent à s’enrichir dans le dialogue avec elles.
LES INTERPRÉTATIONS ENVIRONNEMENTALES – Mais, me dira-t-on, est-ce que tout le monde se mettrait à faire de l’interprétation psychanalytique ? Quel serait alors le rôle du psychanalyste ? Pour ce niveau primitif de vécus que nous avons en effet à reconnaître et à interpréter, l’observation du développement en famille nous a fait constater que les parents autour du bébé de la première année « interprètent » les angoisses de tomber, de se noyer, en constatant par exemple les raidissements et agrippements. Il y a donc une interprétation environnementale qui fuse dans l’état de « préoccupation parentale primaire« . Mais nous ne restons pas toute la vie dans cet état, et autour d’enfants autistes ou porteurs d’autres troubles graves du développement, il faut le re-savoir, le re-tirer de la « relégation » (mise de côté) où nous mettons la conscience des savoirs dont nous n’avons plus besoin. (j’emploie relégation et non pas refoulement qui prêterait à confusion avec le refoulement freudien).
SPÉCIFICITÉS DU TRAVAIL PSYCHANALYTIQUE – Que reste-t-il alors de la spécificité du travail du psychanalyste auprès des sujets avec autisme ? Sa connaissance des autres niveaux, mieux connus, du développement psychique, et de la complexité de son travail dans la relation dite transférentielle, va lui permettre d’accompagner ces sujets dans l’intégration, la complexification, de ces bases construites, ou reconstruites, à travers les conflits pulsionnels (rivalité œdipienne ou fraternelle) jusqu’à l’adolescence comprise. Celle-ci est une période souvent difficile à traverser : le réébranlement de l’image du corps, comme chez tout un chacun au cours du remaniement pubertaire, va particulièrement éprouver sa fragilité résiduelle chez l’autiste. Mais c’est aussi un moment fécond où peut se retravailler et se consolider cette base de la personnalité, surtout si un travail psychothérapique a pu déjà être fait dans l’enfance.
ÉVOLUTION DES ENFANTS AUTISTES – Une difficulté particulière chez l’enfant autiste : le besoin de maîtrise que je pense relié au symptôme d’intolérance au changement et à l’inattendu (l’un des « rocs biologiques » de l’autisme ?) est l’origine très probable des conduites obsessionnelles qui se rencontrent très fréquemment au cours de l’évolution des enfants et adolescents autistes. Le travail psychanalytique peut vraiment les aider à atténuer ces formations défensives bien connues mais chez eux très exagérées, et les aider à traverser certains états maniaco-dépressifs, qui ne sont pas des « comorbidités » étrangères aux dispositions de base de l’autisme et aux problèmes qu’il crée pour le développement du sentiment identitaire. La prise de conscience par ces enfants de certains de leurs handicaps, notamment à l’adolescence, mais aussi possiblement beaucoup plus tôt, est souvent à l’origine de mouvements quasi mélancoliques d’auto-dévalorisation, souvent masqués derrière ces réactions maniaques que nous venons d’évoquer, qui peuvent être comprises de manière tout à fait défensive et qui sont analysables, sans pour autant négliger le besoin éventuel plus ou moins prolongé d’une aide médicamenteuse.
EN RÉSUMÉ – La nature d’états anxieux et dépressifs, reconnus dans le « socle commun des connaissances » (Haute Autorité de la Santé) assez fréquent, qui peuvent être intenses chez les autistes, mérite donc d’être explorée et différenciée entre, d’un côté les éléments d’angoisses corporelles toujours facilement réveillées chez les sujets avec autisme, et d’un autre les états anxieux appartenant aux conflits pulsionnels et émotionnels communs qu’ils ont eux aussi à aborder mais qui ont chez eux des particularités que les psychanalystes sont aptes à reconnaître et comprendre.
Geneviève et Michel Haag